Oppression. Cet étau qui lui serrait le cœur, qui l’empêchait de penser, qu’était-ce ? Elle n’avait jamais ressenti cela : l’angoisse. Les mains tremblantes, elle baissa la tête, sans que le professeur chargé de la mener au dortoir ne remarque rien. Il faisait nuit déjà, et l’humidité refroidissait l’air, la faisant frissonner. Elle sentait à peine la main de son accompagnateur sur son dos, dans le creux entre les omoplates, mais ce discret contact augmentait la pression pesant sur ses épaules.
Que se passait-il ? Pourquoi son corps réagissait-il ainsi à ce lieu ? L’académie… Pourquoi se sentait-elle en danger ? Elle secoua la tête, comme pour chasser ces pensées stupides. Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Tout allait bien se passer, nè ? Mais inconsciemment, dans la partie de son esprit qui lui était inaccessible, quelque chose lançait des cris d’alarme.
Fuir. Sans savoir ce qu’elle faisait, elle se mit à courir, passa sous une barrière, courut encore, loin, très loin du chemin éclairé menant aux dortoirs du collège. Son cœur cognait à ses oreilles tandis qu’elle s’échappait, masquant les cris derrière elle. Elle le paierait sans aucun doute, lui souffla une petite voix dans son cerveau. On n’avait pas idée de faire la maligne dès son premier jour !
« Oh, tais-toi donc toi ! »
Voilà qu’elle se parlait à elle-même, gâchant le peu d’air qu’il lui restait. Complètement essoufflée, ses jambes la lâchèrent et elle tomba à terre, en plein milieu d’une pente. Elle roula jusqu’en bas et arriva, complètement échevelée, les jambes couvertes de terre un peu humide et l’uniforme sali, en plein dans un buisson d’épines.
« Aïïïe ! Nooon ! »
Elle fit un saut de puce, tomba à côté du buisson et seulement alors pensa à regarder autour d’elle… De grands arbres, à perte de vue, sombres géants se mouvant doucement au rythme des sifflements du vent. Tout était si sombre, si noir… Où était-elle ? Et qu’est-ce qui l’avait prise de courir jusque là ? Southern Wood, lui indiqua obligeamment la petite voix, un peu moqueuse. Comment savait-elle tout ça ? Etait-elle déjà venue ici ? Pourquoi ? Elle cherchait vainement à se souvenir, se heurtant au mur qui lui interdisait l’accès à son passé.
Meurtrie, frissonnante, elle se mit à pleurer. Elle avait honte d’elle-même, elle qui s’était juré d’être forte mais les larmes ruisselaient sur ses joues sans qu’elle puisse les arrêter. Elle se retrouvait emportée par le flot de toutes les émotions retenues depuis ces derniers mois, depuis ce soir où on l’avait emmenée comme une criminelle, elle ‘l’alice’. Prostrée, à genoux sur la terre glacée, elle laissa libre court à ses regrets puis se secoua. Sautant sur ses pieds, elle décida d’explorer la forêt.
Après tout, il ne faisait pas si froid, et si elle tremblait c’était d’impatience ! La lune s’étant levée, elle y voyait mieux et distinguait bien les étoiles. Elle commença à avancer, s’appuyant contre les troncs quand elle ne voyait pas assez pour distinguer les irrégularités du sol, et se mit à chanter d’une voix claire. Une chanson de son invention, comme d’habitude, qui ne voulait rien dire. Le mélange de tonalités la ravit, et ce fut complètement rassurée qu’elle continua son chemin. Jusqu’à ce que des craquements peu naturels la fassent sursauter.
Assez peureuse de nature, elle paniqua complètement.
« Un fan-fan-fantôôme ! »
Elle se cacha derrière un arbre, en attendant que l’être mystérieux apparaisse dans son champ de vision. Elle tremblait comme une feuille, étreignant le tronc comme si elle voulait l’écraser, la joue appuyée contre l’écorce. Les battements de son cœur lui semblaient se propager à toute la forêt, et son souffle si bruyant que le fantôme n’allait pas manquer de l’entendre et de venir l’emporter… Elle gémit.
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